La communauté économique des Etats de l’Afrique de I’Ouest (CEDEAO) considère toujours le Burkina-Faso, le Mali et le Niger comme ses pays membres. C’est ce qu’il convient de retenir à l’issue de la réunion extraordinaire de la commission de l’institution sous-regionale tenue à Abuja ce jeudi 08 février pour se pencher sur le retrait annoncé de ces trois pays.
Selon les membres de la commission de la CEDEAO, les arguments avancés par ses trois pays ne sont ni avérés, ni fondés. Car l’institution ne s’est jamais éloignée de ses idéaux panafricains et réaffirme qu’aucune puissance étrangère n’influence ses décision. La CEDEAO assure également que les mesures particulières contre le Niger, sont fondées sur les protocoles que chaque pays membres a librement signé.
Elle balaie ainsi du revers de la main, les arguments avancés en clamant que le retrait annoncé du Burkina, du Mali et du Niger ne sont que alibis pour ne pas honorer leurs obligations en vertu des traités et des protocoles de la CEDEAO ce qui leur permettrait de conserver le pouvoir que leurs actuels dirigeants ont conquis par des voies non constitutionnelles.
Pour les membres de la commission de la CEDEAO, le retrait du Burkina, du Mali et du Niger ne sera acté que dans un an. Car l’article 91 du Traité révisé de 1993 exige un préavis d’un an pour tout retrait de l’organisation.
Des conséquences collatérales sur les deux camps
Au-delà des arguments que chaque camp peut brandir pour défendre sa position, cette gueguerre entre la CEDEAO et les trois États du Sahel, ne sera pas sans conséquence pour les deux protagonistes. C’est d’ailleurs ce qu’avait expliquer l’ancien premier ministre Beninois Lionel Zinsou sur les antennes de RFI le 28 janvier dernier. « Chacun est dans sa propre légitimité : la Cédéao veut faire respecter ses principes de droit, et les pays du Sahel tentent d’échapper à des sanctions qui ont des conséquences économiques et sociales importantes ».
Concernant les conséquences, l’ancien premier ministre Beninois réitère que les deux parties vont essuyer d’énormes pertes au cas où le retrait devenait effectif. « Quand le Mali, le Burkina Faso et le Niger auront quitté la Cédéao, des droits de douanes vont s’appliquer pour faire entrer leurs marchandises dans les pays membres de communauté économique. Cela risque donc d’être un petit peu plus difficile pour les entreprises de ces pays qui travaillent déjà dans toute la région, mais aussi pour attirer de nouveaux investisseurs. De l’autre côté, les pays sahéliens sont des fournisseurs importants des pays côtiers, notamment en denrées animales. Les choses vont être aussi plus compliquées pour les services de transports et les ports, puisque les pays de l’Alliance des États du Sahel (formée par le Mali, le Burkina Faso et le Niger en septembre 2023) sont enclavés. Or, ils ne peuvent pas évacuer leurs productions vers le Nord en traversant le désert algérien. En outre, il est impossible que ces pays s’isolent, car d’un bout à l’autre de la Cedeao, les échanges de population sont trop importants. Les éleveurs qui font de la transhumance vont continuer de passer à travers les frontières sont poreuses »argumente-t-il.
C’est dans cette même logique que le Directeur de rédaction de « Jeune Afrique » François Soudan expliquais qu’il est encore trop tôt pour évaluer l’impact économique et humain de ce
bouleversement géopolitique qui affectera directement la vie, les habitudes,
les déplacements et les échanges des 70 millions de citoyens maliens, nigériens et burkinabè. « Une chose est sûre : si les régimes militaires
de l’Alliance des États du Sahel vont jusqu’au bout de leur logique en battant
leur propre monnaie, le choc risque d’être rude sans que les nouveaux amis
russes, iraniens, turcs ou marocains soient en mesure de compenser les effets
négatifs de la hausse des tarifs douaniers et de la remise à plat de l’ensemble des systèmes d’import et export de ces trois pays.
Du côté du ministre burkinabè de la communication, l’on ne dit
pas autre chose quand il reconnaît que « le chemin que nous avons pris, ce
n’est pas le chemin le plus facile. Il est semé d’embûches, les adversités ne
manquent pas ». Un chemin difficile et risqué qu’il reconnaît consciemment.