Elisabeth Borne a remis la démission du gouvernement, Emmanuel Macron l’a acceptée.
Après plus d’un an à la tête du gouvernement, Elisabeth Borne a rendu sa démission à Emmanuel Macron en jugeant qu’il était « plus que jamais nécessaire de poursuivre les réformes ». L’annonce est intervenue après qu’Elisabeth Borne s’est entretenue cet après-midi à l’Elysée avec Emmanuel Macron, alors que le ministre de l’Education Gabriel Attal paraît le mieux placé pour lui succéder à Matignon, selon l’AFP, citant des sources proches de l’exécutif.
Motions de censure
Dans un message sur X, Emmanuel Macron a remercié la cheffe du gouvernement « de tout coeur » pour son travail « exemplaire » au « service de la Nation ». Elisabeth Borne et son équipe assureront les affaires courantes jusqu’à la nomination du nouveau gouvernement.
Elisabeth Borne, qui a dû affronter près d’une trentaine de motions de censure et a recouru 23 fois à l’article 49.3 de la Constitution, se félicite également d’avoir fait adopter « dans des conditions inédites au Parlement, les textes financiers, dont la réforme des retraites, la loi relative à l’immigration, et plus de cinquante lois qui répondent aux défis de notre pays et aux préoccupations des Français ».
« Hors textes financiers, nous avons su bâtir des majorités de projet dans l’esprit de dépassement de votre élection en 2017 », souligne Elisabeth Borne qui a dû composer durant vingt mois avec une majorité relative à l’Assemblée issue des législatives de juin 2022. Elle s’est aussi dite « fière que la France soit désormais dotée d’une planification écologique complète et robuste », présentée en septembre dernier.
Chamboule-tout gouvernemental
Le sort d’Elisabeth Borne était en suspens ces derniers jours, beaucoup de proches d’Emmanuel Macron misant sur un vaste chamboule-tout gouvernemental avec son propre départ.
Le nom du jeune ministre de l’Education nationale Gabriel Attal est remonté lundi dans les pronostics de la macronie pour lui succéder à Matignon. Il devrait être chargé de former le prochain gouvernement, a indiqué un proche de l’exécutif. A 34 ans, il deviendrait le plus jeune Premier ministre de la Ve République, battant le record du socialiste Laurent Fabius nommé à 37 ans en 1984. Jusque-là, tous décrivaient une course à deux : Julien Denormandie, 43 ans, marcheur de la première heure et quasiment ombre portée du chef de l’Etat depuis dix ans; et Sébastien Lecornu, 37 ans, actuel ministre des Armées issu de la droite, qui s’est au fil des années taillé une place dans le cercle des conseillers politiques du président.
Si la jeunesse de Gabriel Attal et sa récente nomination à l’Education nationale, où il est arrivé en juillet et a lancé de vastes chantiers à concrétiser, étaient invoquées ces derniers jours par plusieurs conseillers pour écarter l’hypothèse de sa nomination, les mêmes arguments justifient aujourd’hui sa possible promotion.
« La jeunesse, la cote dans l’opinion et la capacité réelle ou supposée à conduire la campagne gouvernementale des européennes ont fait la différence », croit savoir la source proche de l’exécutif, en référence au scrutin de juin pour lequel le camp présidentiel est pour l’instant distancé dans les sondages par le Rassemblement national.
« Il est populaire, jeune, et c’est quelqu’un créé de toutes pièces par Macron », abonde aussi une ministre, tout en précisant ne pas avoir confirmation du choix du président.
Par rapport à Julien Denormandie et Sébastien Lecornu, peu connus du grand public, Gabriel Attal affiche un profil plus politique. Sa cote de popularité est montée rapidement ces derniers mois, jusqu’à en faire une des personnalités politiques préférées des Français. De quoi offrir enfin à Emmanuel Macron l’élan que son second quinquennat n’a jamais trouvé, privé qu’il est depuis sa réélection en 2022 de majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Camp présidentiel malmené
Le choix du Premier ministre est loin d’être neutre pour maintenir l’équilibre précaire du camp présidentiel, mis à mal dernièrement par les divisions sur loi immigration. Si le patron des députés Renaissance, Sylvain Maillard, a assuré sur LCI que ses troupes « travailleront en toute loyauté » avec le prochain Premier ministre, d’autres redoutent un coup de barre à droite.
Comme la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, attachée au « dépassement » des clivages traditionnels, promesse du macronisme initial, qui a estimé sur franceinfo que « sortir l’aile gauche de la majorité, ce serait faire le jeu des oppositions ». Allié de poids du chef de l’Etat, le patron du MoDem François Bayrou avait montré des réticences à une nomination de Sébastien Lecornu selon lui en contradiction avec cette idée d’un dépassement du clivage droite-gauche.
A cet égard, une nomination de Gabriel Attal, également macroniste de la première heure, offrirait des garanties aux tenants de l’aile gauche de la majorité. Emmanuel Macron compte inscrire ces mouvements dans une séquence plus large, ouverte depuis ses vœux du 31 décembre, qui doit se prolonger par un énigmatique « rendez-vous avec la nation » courant janvier.
« Réarmement »
Avec un fil conducteur, à l’heure où ce deuxième quinquennat Macron se cherche encore un récit : « le réarmement », affirme un proche. A savoir le « réarmement civique », notamment grâce à l’école, « le réarmement industriel », ou encore le « réarmement européen » à l’approche d’élections pour lesquelles le camp présidentiel est largement distancé dans les sondages par le Rassemblement national.
Pour cela, le même évoque un « remaniement de réarmement » avec « beaucoup de sortants ». Plusieurs membres de la garde rapprochée du chef de l’Etat, dont François Bayrou, appellent à en profiter pour resserrer un gouvernement qui compte aujourd’hui 39 membres.
Cette volonté de « réarmement » se retrouve dans les décisions prises lors de l’éphémère passage de Gabriel Attal au ministère de l’Education, comme l’interdiction de l’abaya dans les écoles et les mesures pour rehausser le niveau des élèves. Il ne sera resté que cinq mois dans ce ministère, désormais présenté comme la priorité d’Emmanuel Macron.
La Tribune.fr (Avec AFP)