En juillet dernier à Aix-Marseille Université (France), Ezin Pierre Dognon a soutenu une thèse de doctorat en musicologie et musique qui fait de lui le premier Béninois à parvenir à un tel niveau sur le plan universitaire. Dans cet entretien, il nous raconte sa trajectoire avant, pendant et après sa thèse de doctorat.
7 au Bénin : En tant que premier docteur en Musicologie au Bénin, pourriez-vous nous donner un aperçu succinct de votre parcours académique et associatif en amont qui a mené à l’obtention de votre doctorat ?
Ezin Pierre Dognon : J’ai eu un parcours académique et professionnel diversifié avant d’obtenir mon doctorat en Musicologie en juillet 2023 à Aix-Marseille Université. En 2014, j’ai obtenu un MBA en médiation culturelle avec une spécialisation en management de la musique, des festivals et du patrimoine à Paris. Mon projet de recherche portait sur le Festival Tous les mêmes, un festival d’humour et de comédie musicale itinérant fictif entre la France et l’Afrique de l’Ouest. L’étudiant est appelé à concevoir son mémoire sur la base de ses connaissances théoriques pour l’élaboration d’un projet professionnel capable d’être mis en œuvre. Avant cela en 2012, j’ai obtenu un master en communication et relations internationales à Cotonou (Bénin) avec un sujet de recherche axé sur la diplomatie parlementaire en Afrique. Ma licence obtenue en 2010, portait également sur ce sujet. J’ai débuté mes études supérieures en communication d’entreprise en 2007, et en 2009 j’ai décroché un BTS.Outre mon parcours académique, j’ai été actif dans l’organisation de plusieurs événements ainsi que sur le plan associatif. J’ai dirigé l’équipe chargée de l’organisation du concours de beauté Miss Bénin France Europe de 2014 à 2016. Président de l’association Oladé tourisculture du Bénin (Otb) de 2010 à 2013, j’ai également été impliqué dans des initiatives telles que le parlement des jeunes du Bénin, la création du magazine universitaire Gaza-Infos et la gestion de la communication pour la compagnie de théâtre dénommée « Tout –Terrain ».En termes d’expérience professionnelle, j’ai été directeur exécutif de décembre 2012 à août 2013 au Bénin du projet Itinér’ance, financé par l’Union européenne (UE) via le programme société civile et culture. J’ai également été directeur de publication de décembre 2010 à août 2013 du magazine Oladé mag dont la ligne éditoriale était de valoriser le patrimoine matériel et immatériel béninois. J’ai acquis une expérience à la croisée de la musique, de la culture, des relations internationales et du journalisme avant de poursuivre mon doctorat en Musicologie.
7 au Bénin : Pourquoi cette thèse et le choix de travailler sur le sujet intitulé « la trajectoire des musiciens de style tradi-moderne entre l’Afrique (Golfe Guinéo-congolais) et la France au XXIᵉ siècle : étude des conditions de réussite esthétiques, interculturelles et technologiques ? »
Ezin Pierre Dognon : J’ai choisi de consacrer ma thèse à la « Trajectoire des musiciens de style tradi-moderne entre l’Afrique (Golfe Guinéo-congolais) et la France au XXIᵉ siècle : étude des conditions de réussite esthétiques, interculturelles et technologiques » en partant de plusieurs motivations profondes. Tout d’abord, en tant que passionné de musique et musicien moi-même, je ressens un lien profond avec l’expression artistique et la manière dont elle transcende les frontières culturelles. Le choix du style tradi-moderne avec un corpus d’artistes composés de Lokua Kanza, Tita Nzebi et de Pépé Oléka s’explique par son caractère hybride, fusionnant des éléments traditionnels et modernes. Cette fusion représente un terrain fertile pour explorer la diversité et l’adaptabilité de la musique africaine contemporaine. Les musiciens qui naviguent dans ce style se trouvent à l’intersection de différentes influences culturelles, ce qui en fait un sujet captivant pour comprendre les dynamiques interculturelles. L’inclusion du Golfe Guinéo-congolais dans ma recherche est motivée par la richesse musicale de cette région. C’est un creuset de diversités culturelles et musicales qui, selon moi, joue un rôle central dans l’évolution de la musique africaine moderne. Comprendre les trajectoires des musiciens de cette région vers la France au XXIe siècle permet d’explorer les interactions entre les scènes musicales africaines et européennes, apportant ainsi une perspective globale à ma recherche.En ce qui concerne l’étude des conditions de réussites esthétiques, interculturelles et technologiques, j’ai voulu aller au-delà de l’aspect purement musical. L’esthétique représente le cœur de l’expression artistique, mais il est tout aussi crucial de comprendre comment ces musiciens naviguent dans des contextes interculturels parfois complexes. De plus à notre époque, la technologie joue un rôle essentiel dans la production, la diffusion et la consommation de la musique. Explorer ces dimensions permet d’appréhender de manière holistique les défis et les opportunités qui se présentent à ces musiciens. En résumé, ma thèse s’inscrit dans une volonté de comprendre et de valoriser la musique africaine contemporaine, en mettant en lumière les artistes du style tradi-moderne et en examinant les multiples facettes qui contribuent à leur succès, tant sur le plan esthétique, interculturel que technologique. Mon choix reflète ma passion pour la musique, mon intérêt pour les dynamiques culturelles et mon engagement à contribuer à la reconnaissance et à la compréhension de la diversité musicale africaine.
7 au Bénin : Comment vivez-vous l’après-thèse ?
Ezin Pierre Dognon : C’est une période stimulante et parsemée de diverses activités académiques et artistiques. Sur le plan académique, je m’investis pleinement dans plusieurs projets scientifiques passionnants. Je participe activement à des journées d’études et à des colloques, à la fois en tant qu’organisateur et conférencier, contribuant ainsi à la dynamique de la recherche dans mon domaine. Actuellement, je suis engagé dans la direction d’un ouvrage scientifique dédié à l’étude de la transdiction dans l’exploration des musiques de l’Afrique de l’Ouest. Ce projet représente une opportunité de contribuer à la littérature académique tout en approfondissant notre compréhension des interactions culturelles et musicales.
Parallèlement, je travaille sur des soumissions d’articles à des revues scientifiques, ce qui renforce mon engagement continu envers la diffusion du savoir et la discussion académique.
Sur le plan éditorial, je suis en train de transformer ma thèse en un livre, puisque le manuscrit a été accepté pour publication par Garnier Classique. Cette étape marque une évolution significative pour que ma recherche soit mise à la disposition de la communauté académique.
Cependant, l’aspect académique n’est qu’une facette de mon parcours actuel. Sur le plan artistique, ma carrière en tant que musicien sous le nom de Myster Ezin prend une place prépondérante. Mon album de slam intitulé « EspoirS » a déjà connu une tournée réussie en Europe et en Afrique, marquant ainsi une concrétisation de mes aspirations artistiques.
En somme, l’après-thèse se présente comme une période où l’engagement académique se conjugue harmonieusement avec la poursuite de ma carrière artistique. C’est une période excitante où la recherche, l’écriture, la diffusion du savoir et la création musicale se complètent pour former un ensemble dynamique et épanouissant.
Propos recueillis par Bernado Mariano Houenoussi